Eddie SPARROW

eddie_sparrow_320x320

Du 21’s à Londres au Star Club de Hambourg en passant par le Golf Drouot.
 

Eddy Sparrow est né en 1943 à Harrogate dans le Yorkshire. Tout jeune il a commencé à travailler comme projectionniste, car le travail de nuit était plus rémunérateur. Ainsi il pouvait financer son activité préférée la musique. A 17 ans il décide de descendre à Londres avec son groupe à l’automne 1961. Le groupe n’a pas survécu aux fêtes de Noël. Eddy décide de rester et de tenter sa chance seul, il se rend au temple du Rock Londonien au 2 I’s coffee bar. Là il rencontre Albert Lee qui jouait déjà fort bien de la guitare et parfois du piano. Il avait 17 ans également.

Jean BACHELERIE (Londres, avril 1998).

Interview

 Comment était Albert Lee à l’époque ? 

Il avait une très forte présence , il était déjà très bon, il accrochait le public. Il travaillait avec Jacky Lynton, un bon chanteur.
Un jour je faisais des remplacements dans un orchestre au 2 I’s , lorsque les Beatles ont débarqué, rentrant d’Allemagne. A cette époque Ils dormaient dans une camionnette, garée au fin au fond d’une place dans Soho, il faisait un froid de canard, nous étions en janvier 1962..
Je travaillais avec Colin Green dans les Blue Flames nous accompagnions Duffy Powell ( futur Georgie Fame), qui était l’un des protégés de l’impresario réputé qu’était Larry Parnes.

 Comment es-tu venu à Paris ? 

Au printemps 62, J’ai été recruté par un saxophoniste Colin Brooms, rencontré par hasard aux abords du 2 I’s coffe bar. Il recherchait un batteur et un guitariste pour Les Toppers, un groupe dirigeait par Claude Bibonne, un saxophoniste Parisien dont le chanteur était un américain Gerry Beckles.

Notre quartier général était un club appartenant à l’alliance française prés de la gare Montparnasse. Tout prés de là il y avait une boîte de jazz, tenue par Buttercup, l’épouse de Bud Powell, le célèbre pianiste de be bop, installé à Paris depuis 1959. C’était le seul endroit de Paris où l’on mangeait du  » chicken in the basket « . Quand Buttercup a compris que nous étions musiciens, nous avons eu table ouverte. Ce club de jazz était très fréquenté par les militaires américains, qui nous offraient des spectacles pugilistiques mémorables.

Les Toppers , avait un deuxième saxo Yvan Roth, c’était un musicien réputé, originaire de Bâle (Suisse), pour qui Luciano Bério, compositeur italien avait écrit un concerto, lorsqu’il jouait avait les Swingle singers. Luciano Bério né en 1925, est un compositeur d’origine classique, qui mêle la voix aux sons des instruments. Les Toppers étaient complétés par un compatriote à la guitare, et un bassiste dont j’ai oublié le nom. Avec les Toppers j’ai fait mes premiers pas en studio.

 Comment as-tu rejoint Les Play-Boys ? 

Au départ de Bobby Clarke en mars 1963, mais cela m’a causé quelques problèmes avec Vogue, pour qui j’étais sous contrat avec les Toppers. Néammoins j’ai rejoint les Plays Boys et nous avons enregistré pour Barclay, en mai 1963 : comme je t’aime, Bye bye Johnny, Peggye Sue et Hully Gully kid. Malheureusement ce disque n’a bénéficié d’aucune promotion et nos ventes furent très modestes.

Au printemps 63 nous étions en passe de devenir l’orchestre attitrée de l’Olympia, nous accompagnions les vedettes de passage.

 As-tu connu Vince Taylor ? 

Je l’ai vu pour la première fois en décembre 61 au 2 I’s, Vince & les Play Boys arrivaient de Paris pour prendre quelques jours de repos à Londres. Je me souviens entre autre d’avoir joué un soir à La Locomotive en 1963, Vince était dans le coin. Mais nous ne l’avons pas accompagné, en tout cas pas durant mon passage chez les Play boys.

J’ai vu Vince pour la seconde fois au Vieux Colombier à Juan Les Pins durant l’été 1962, où nous passions avec Gerry Beckles, là j’ai reconnu Bob Steel que j’avais côtoyé au 2 I’s à Londres. Vince à ce moment là était fantastique. Il avait fait un show éblouissant.

Enfin je l’ai croisé en 1963 , lorsque nous passions à la locomotive avec Les Play Boys. Mais nous ne jouions pas avec lui.

A Juan les Pins j’avais fait connaissance également avec mon compatriote Dean Notton, qui faisait ses grands débuts avec les Fantômes.

 Quand as-tu quitté la France ? 

A l’automne 1963, là j’ai pris la direction de l’Allemagne,, où j’ai remplacé Don Hawkins au sein des Krewkats, alors que Don me remplaçait au sein des Play Boys. Nous sommes revenus au printemps en 1964 avant de repartir en Allemagne fin 1964. Nous avions été engagés par une boîte le Star Tanze Casino de Itzoe, une ville du Nord ouest de l’Allemagne, manque de chance début janvier le casino a brûlé avec tout notre matériel. J’ai récupéré ma batterie en triste état. Je suis parti pour l’Angleterre où je l’ai fait retapée à Harrogate par un spécialiste. Puis nous avons décroché un contrat au Top Ten à Hambourg. En fait c’est le seul endroit où je me suis produit dans ce port hanséatique. Là j’ai fait quelques disques avec 2 groupes différents : Tony Sheridan & the Top Ten all stars, et un autre avec Ted & Brad (des Krewkats) sous un nom que j’ai oublié, toujours sous le label Polydor et sous la houlette du directeur artistque Paul Murphy. C’étaient des enregistrements réalisés au Top Ten après la fermeture à 3 heures du matin. La salle scène était transformée en studio d’enregistrement.

En 1965 je suis rentré en Angleterre, à Liverpool, avec un jeune saxophoniste Américain Johnny Phillips qui avait déserté l’armée et s’était réfugié chez Astrid Kircherr. Astrid avait été l’égérie des Beatles et était une photographe réputée. Elle l’a emmené au Top Ten. Johnny était un musicien très doué, il jouait aussi bien du saxo ténor, que baryton, ou encore du piano, de la trompette et même de la batterie. Il avait 18 ans. Je l’ai engagé dans mon groupe avec Howey Casey. A Liverpool on s’est produit à la  » Cavern  » et au Maggy Mae dont le propriétaire était Alan Dawson (Blue angel). The Krewkats deviennent the Krew.

Johnny Phillips a enregistré une excellente version à la trompette de down town, ce disque est d’ailleurs sur le point d’être réédité en Allemagne.

Puis retour en France au printemps, Howie, Brad et moi avons travaillé avec Dick Rivers et Mahm au saxo qui devint plus tard membre des Charlots.

A l’automne retour en Angleterre , où j’ai fait une tournée avec les Walkers Brothers dont le manager était Tony Stratton, manager de Beryl Marsden que j’ai accompagné avec Howie Casey. Tony fut par la suite manager de Pelé, le footballeur.

Fin 65 retour en France, direction Val d’Isère et Courchevel, pour la saison hivernale, avec Howie Casey, Tommy Murrey, guitariste de Liverpool. Là Jean Fernadez nous approche et nous fait signer chez Barclay. A la fin de la saison, retour à Paris à la Microthèque, boîte prés de l’opéra. C’était un endroit très classe, où venait le tout Paris et les memebres de la jet set comme la Princesse Margaret. Maurice Casanova, le patron du Bilboquet vient nous chercher . Nous repassons rive gauche où nous allons rester longtemps. Eddie Vartan nous y découvre et engage the Krew pour accompagner la jolie Sylvie, avec qui nousv restons jusqu’en 68. Les grands moments des multiples tournées ont été l’Olympia avec l’orchestre d’Eddie Vartan, une tournée au Portugal et une tournée inoubliable de 10 jours en Turquie.

 Qui formait l’orchestre ? 

The Krews étaient : Gilbert Delanese saxo baryton,Ted Tunnicliffe, guitare solo, Archie Legget, basse, un écossais de Glasgow (ex Big six de Tony Sheridan) qui passera plus tard chez Claude François. Je le retrouverais avec Kevin Aynes dans les années 70 (Albums Banamour, June the first, 1974.. & beaucoup d’autres…),. Archie poursuivra avec Soft Machine puis Velvet Underground. Il a composé plusieurs tubes dont (Stranger in blue suede shoes).

 Pourquoi as-tu quitté Paris en 68 ? 

Le printemps 68, à Paris fut particulièrement chaud, surtout boulevard Saint-Germain dans ce Quartier Latin que j’adore.

Nous venions juste de participer au tournage d’un film de Marcel Carné : les jeunes loups, qui se déroulait essentiellement à Saint Germain des prés , je me souviens d’une scène tourné au Coeur Samba Club, rue de Rennes. Là, Nicole Croisille chantait le thème du film. (On passait avec Nicole au Bilboquet, et c’est grâce à elle que nous avons tourné avec Marcel Carné.
En ce mois de mai 68, on répétait au Bilboquet, dont nous étions l’orchestre, et en rentrant à notre Hotel le Crystal on a entendu le bruit de la manifestation, qui a rapidement dégénérée en violence terrible avec barricades et batailles rangées qui ont mis le quartier à feu et à sang.
Alors nous avons préféré prendre la poudre d’escampette et avons mis le cap sur l’Italie. A Rome, puis nous sommes passés pendant un mois au Santa Margharita (station balnéaire sur la Côte Ligure), un des hauts de la dolce vita, où des gens comme Frank Sinatra et Lizza Minnelli avaient l’habitude de se produire.

Une chanteuse, Barry St-John, qui faisait les choeurs avec Johnny Hallyday nous a rejoint. Elle avait aussi chanté avec le Big six et eu quelques petits tubes comme Bread & Butter , Come away Melinda..

Rosco l’animateur de radio est venu nous voir pour nous proposer un contrat d’enregistrement. Barry St-John a pensé que son heure était venue, et voulait faire son tube, l’atmosphère dans le studio lors des répétitions est vite devenue exécrable.

Puis Rosco a voulu enregistrer le tube, et ni Archie ni moi même n’avons été contacté. Rosco ne savait pas pourquoi nous n’étions pas là. Il était furieux.

Nous sommes rentrés à Paris où je suis tombé amoureux d’une jolie française. Malhereusement son père un ancien compagnon du Général De Gaulle à Alger, ne voulait pas d’un gendre musicien !

 Ton passage avec les Krewkats est une étape importante dans ta carrière ? 

Oui, en fait j’ai remplacé Don Hawkins à la batterie. C’est Brad ( Norman Bradley) le bassiste qui m’a appelé d’Allemagne où les Krewkats étaient repartis après avoir quitté Dick Rivers. Il y avait donc Ted Tunniclife, soliste, Rob Nichols (rythmique) lui nous a quitté pour se marier. Le trio a été renforcé par Ray Thomas (chant et cor) et Mike Pender au Piano.(futurs Moody Blues), et quelques fois Ian Hines (orgue) pour faire « le bœuf ». Le malheureux Rob Nichols était malade à ce moment là..

Il y a une anecdote amusante en 64, peu après avoir quitté Dick Rivers , je me suis retrouvé en tournée avec Ralph Danks, Alan Bugby et Johnny Taylor, nous étions à la même affiche que Dick, qui savait que j’avais rejoint les Krewkats. Il était accompagné par the Gladiators. A la même affiche on trouvait Les Célibataires et Arielle.

 Quel est ton meilleur souvenir ? 

La période Play Boys, où nous étions le groupe résident de l’Olympia, on a accompagné the Exciters (Tell him) pendant une semaine, on a partagé l’affiche avec des pointures comme Ray Charles et Sammy Davis Junior, c’était formidable. Sans doute la meilleure période de ma vie de musicien. J’ai gardé une photo où je suis avec Bruno Coquatrix, un grand Monsieur, il avait le don pour dénicher les talents.

Avec les Play Boys nous avons aussi été les accompagnateurs de Gillian Hills. Lors de l’enregistrement par une belle après midi ensoleillée. Sa mère était venue, et lorsque nous sommes sortis du studio un orage à éclaté, le coup de tonnerre a fait sauter sa mère en l’air ! Elle avait très peur ! Cela nous a beaucoup amusé.

En 1963, Paris était un creuset musical où se rencontraient toutes les influences, tous les courants musicaux.

Nous avons aussi fait avec Eddy Mitchell et les Chaussettes Noires (Ne délaisse pas, Jezebel,… Quand revient l’été, loop de loop..).

J’ai aussi joué avec Olivier Despax en 1963, (Ja-da, Ginchy, salut Ray, Teensville, Barclay 72605)) J’ai aussi joué avec le chanteur des Aristocrates Mick Harvey, un type très sympa. J’ai tourné avec Lucky Blondo, un gars plein d’humour toujours à la recherche d’un motif de rigolade.
On a aussi fait les choeurs avec Dalida notamment dans Derniers baisers. J’étais très intimidé.
En 1965 on a fêté l’anniversaire de Maurice Chevallier lors d’un musicorama où l’on a même accompagné Charles Aznavour. Je me souviens que le présentateur était Hubert. Aznavour partait juste après le spectacle pour Manchester. Il nous a envoyé un télégramme au Bilboquet pour nous remercier.

Un autre grand moment c’est une séance d’enregistrementà Londres Abbey Road avec Kevin Aynes et Mike Oldfield.

Un autre bon souvenir c’est le festival de Rock de Juan les Pins pendant l’été 62, j’ai croisé des types très bons, nous étions à la même affiche que Rocky Roberts & the Airedales. J’ai revu Rocky plus tard en 68 en Italie, où il a poursuivi sa carrière.

 Qu’as-tu fait après ? 

Au début des années 80 j’ai travaillé comme percussionniste avec une compagnie de danse : The Contemporary Dance (81-82), puis the Ballet Rambert à Twickenham, prés de Londres., puis enfin the London Contemporary Dance théâtre.. Un travail surprenant qui m’a conduit à explorer les possibilités thérapeutiques de la musique et de la danse auprès des personnes handicapées.
En Allemagne où les comédies musicales ont un réel succés, j’ai joué dans beaucoup de comédies musicales comme Hair que nous avons présenté aussi en Scandinavie : Stockholm, Helsinki…et des des villes proches du cercle polaire comme Rovaniemi.

C’est ainsi qu’en 91 j’ai créé mon propre centre avec des danseurs sourds. C’est un domaine où le jeu du percussionniste peut être très efficace.

Mon activité Terpsichorean (therapie psychologie et corps de ballet) se poursuit en Allemagne où je travaille aux cotés d’un danseur Mexicain qui vient de la compagnie Martha Graham et contemporaine de Londres. Nous avons tenu des sessions à Berlin et je dois l’accompagné dans un spectacle monté pour l’expo 2000 à Hannovre : l’histoire du soldat. C’est du Stravinsky. J’ai toujours beaucoup aimé ce compositeur, mais je dois étudier la partition à fond avant d’accepter. En effet voilà bien longtemps que je n’ai plus joué quelque chose d’aussi difficile.

Merci Eddy et bonne expo 2000 !

Retour vers : Groupes Français